le Chevalier « le règlement, c’est le règlement »
Il était une fois le Chevalier « le règlement, c’est le règlement », fier chevalier qui vouait sa vie entière à la justice. Â l’âge de 22 ans, il obtient avec mention, "Très bien" son diplôme 7e niveau de Chevalerie française, spécialisation « Défense de la veuve et de l’orphelin ». Pour le récompenser, ces parents hésitent entre un bel arc et ses 10 flèches, ou un château. La Guerre sévissant depuis de longues années, il n’y a plus aucune arme disponible sur tout le territoire, à part au Marché noir... mais il ne viendrait pas à l'idée de notre héros d'agir ne serait-ce qu'une seconde, hors du cadre légal défini clairement dans le "Guide du Chevalier certifié". C’est ainsi que le Chevalier « le règlement, c’est le règlement » devient propriétaire de sa majestueuse demeure. Depuis 12 ans qu’il y habite, il ne s’accorde aucun moment de répit : il est toujours à l’affût du moindre délit répertorié dans le célèbre « Guide du Chevalier certifié », œuvre remarquable en tout point, qu’il conserve toujours à portée de la main.
Par un beau matin de mai, le Chef des gardes arrive épuisé, devant la chambre de son maître. Des deux poings, il se met à cogner de toutes ses forces sur la solide porte en bois :
« Chevalier le règlement, c’est le règlement, réveilles-toi ! Les Barbares viennent d’attaquer le bourg de Monsegu ! Ils massacrent tout ce qu’ils trouvent ! C’est horrible ! ».
A ces mots, le " Chevalier le règlement, c’est le règlement » se dresse d’un bond sur ses solides jambes en lançant son célèbre : « Monsegu, j’arrive ! ». Déjà paré de son armure qu'il porte en permanence, suivant ainsi scrupuleusement les recommandations du"Guide du Chevalier certifié", il saisit ses 4 épées favorites en tout point conformes aux règles définies dans le "Guide du Chevalier certifié", puis un large bouclier respectant les normes règlementaires et bien évidemment, l’indispensable outil du chevalier digne de ce nom, le « Guide du Chevalier certifié ».
Il ne lui faut pas plus d’une minute pour descendre dans la cour, grimper sur son blanc cheval en lançant son célèbre « mes épées ont soif du sang barbare ! » et partir au galop, destination Monsegu. Après avoir traversé une forêt dense, il arrive rapidement au bourg de Monsegu. Devant ses yeux effarés, le spectacle est terrible… les cadavres baignent dans leur sang, les chaumières sont en feu, pendant que les Barbares poursuivent leur œuvre funeste de destruction. Le Chevalier « le règlement, c’est le règlement » pénètre dans la cour de la première grande ferme, à l’entrée du bourg. Soudain, les cris sauvages et de douleur, cessent instantanément. La cinquantaine de Barbares sanguinaires présents dans la cour de ferme, le reconnaissent immédiatement. Leur Chef sait pertinemment que lui et les siens n’ont aucune chance de remporter un combat contre le Chevalier « le règlement, c’est le règlement ». Prudemment, il jette son épée, sa massue et son trident à terre, imité bientôt par l’ensemble de ses guerriers. D’un geste, le Chevalier « le règlement, c’est le règlement » les fait s’aligner contre un grand mur. Du haut de son cheval, il les passe lentement en revue, un par un, en les toisant sévèrement. La horde sauvage est terrifiée. Notre héros les dévisage de la tête aux pieds, en coupant de ci, de là, un bras, une tête, une jambe, au gré de son humeur :
« Maudits Barbares, vous faites moins les malins maintenant, ahahah ! J’aime rire… Heureusement pour vous, je n’ai que 10 minutes à vous consacrer, comme le prévoit le « Guide du Chevalier certifié », dont je vous recommande chaudement la lecture… Bon, ne bougez pas, ou il vous en cuira ! Voyons voir plutôt ces deux rescapés… ».
Il s’approche des deux seuls survivants du massacre, une jeune femme et de son enfant, tout deux tremblant de peur :
« Je suppose que maintenant, tu es veuve et le marmot ici présent orphelin de père ? ».
« Oui, Chevalier « le règlement, c’est exact… quel malheur… »
« Allons, femme, reprends-toi ! Cesses ces minauderies et ces tremblements ridicules ! »
« J’essaie, mais ce n’est pas facile, gentil chevalier, ces vilains ont arraché mon gilet… Au fait, pendant que j’y pense, pour le dédommagement et la pension, comment ça se passe ? »
« Eh bien, tu ne perds pas de temps ! Tu reprends même un peu vite le dessus, c’est louche… Comme le prévoit le « Guide du Chevalier certifié », que tu connais certainement, n’oublies pas que théoriquement, tu ne perçois de l’argent qu’après ton veuvage qui doit durer au minimum 15 ans… Bien ! Ceci étant dit, procédons par ordre, avec méthode… Où se trouve ton mari ? »
« C’est ce bon à rien, là-bas, allongé sur le ventre, qui baigne dans le sang... »
Le Chevalier « le règlement c’est le règlement », comme il est stipulé dans le « Guide du Chevalier certifié », met un pied à terre, le droit, et s’en va constater le décès du supposé mari. Notre héros désigne un cadavre de la pointe de son épée. La veuve lance :
« Non, Chevalier « le règlement c’est le règlement », c’est celui d’à côté, non, plus à gauche, oui, voilà, celui à qui le Chef des Barbares en personne, a tranché la tête ! ». Le Chevalier « le règlement c’est le règlement » jette alors un œil réprobateur au Chef des Barbares et mime de lui tirer l’oreille. Honteux, le Chef baisse la tête. Puis, par conscience chevaleresque, le Chevalier « le règlement c’est le règlement » retourne le cadavre décapité et colle son oreille sur la cage thoracique. Enfin, il se relève ;
« En effet, votre mari ne respire plus, ce qui, selon l’article 402 alinéa 25 du « Guide du Chevalier certifié » - dont je vous conseille une lecture attentive et exhaustive -, laisse à penser qu’il est décédé. En conséquence, madame, veuillez me présenter votre parchemin d’identité ainsi que ceux de votre défunt mari et de votre progéniture ».
« Mais, c’est impossible, Chevalier « le règlement c’est le règlement » ! Tout a brûlé ici, nos parchemins avec ! »
« Comme tu y vas, femme ! Quel est ce prétexte fallacieux destiné à esquiver ma requête et mépriser ainsi notre saint « Guide du Chevalier certifié » ? Serais-tu dans l’incapacité de prouver ton identité et celle des tiens ? »
« Mais enfin, Chevalier « le règlement c’est le règlement », sois raisonnable et regardes autour de toi ! Comment veux-tu… »
« Comment, femme ? De la rebellion ? Tu oses demander au Chevalier « le règlement c’est le règlement » d’être raisonnable ? Ton compte est bon. Je note immédiatement « insulte envers chevalier, refus de présentation de parchemins d’identité… ». Comme il est stipulé dans le « Guide du Chevalier certifié », pages 14, 85, 86 et 401, tu ne peux en aucun cas être officiellement reconnue comme étant veuve. Il en va de même pour ton fils qui ne saurait prétendre au statut d’orphelin. Pour résumer, vous n’êtes pas reconnu en tant que victimes par le « Guide du Chevalier certifié. En conclusion, tu m’as fait perdre un temps précieux, au détriment de vrais veuves et orphelins… »
Sur ce, le Chevalier « le règlement c’est le règlement » tourne les talons et remonte sur son cheval. La femme n’en croit pas ses oreilles :
« Je t’en supplie, Chevalier « le règlement c’est le règlement » ! Tu ne vas tout de même pas nous laisser de nouveau dans les mains de ces Barbares sanguinaires, tout ça à cause d’un simple bouquin ? Ce serait un crime ! »
« Silence, femme, tu aggraves ton cas ! Tu es hors-la-loi, ne l’oublies pas ! De plus, tu blasphèmes ! Tu ne dois la vie qu’à mon indulgence… »
Il s’approche des 50 Barbares apeurés, toujours alignés contre le mur. Aucun d’eux ne comprend le sens de la scène qui se déroule devant leurs yeux hagards. D’un large signe de la main, notre héros ordonne au Chef barbare de s’approcher. Vêtue d’une peau de bête, ce dernier s’exécute et vient se placer silencieusement, tête levée, à genou et les bras en croix, devant le Chevalier « le règlement, c’est le règlement ».
« Monsieur le Chef des Barbares, comme le stipule le « Guide du Chevalier certifié » - dont je n’aurai de cesse de vous recommander la saine lecture -, et devant l’inqualifiable comportement de cette femme et de son marmot qui, malgré son bas âge, n’en porte pas moins une lourde responsabilité dans cette affaire, eh bien, Monsieur le Chef des Barbares, je les confie à vos bons soins… vous pouvez en faire ce que vous voulez ! Moi, je m’en lave les mains. Personnellement, je ne défend exclusivement, que la veuve et l’orphelin… Encore faut-il qu’ils soient en mesure de le prouver ! Ah, Chef, il y a tant d’abus de toute sorte dans notre pays… chez vous, c’est pareil ? »
Ne comprenant pas un mot de ce langage étranger, le Chef des Barbares, dans le doute, acquiesce de la tête.
« Je constate que nous sommes les victimes, vous comme nous, de cette race de gens peu scrupuleux, qui ne respectent pas la loi, pire, qui la bafouent ! Aussi, il est juste que cette femme et son criminel de marmot soient punis sévèrement pour qu’ils s’en souviennent longtemps et que ça leur serve de leçon ! Messieurs les Barbares, je vous les laisse, ils sont à vous ! ».
Passées quelques secondes d’étonnement – le Barbare est inculte, il ne parle que le barbaresque -, les terribles guerriers reprennent leurs esprits et leurs armes en voyant avec grand étonnement et soulagement, le Chevalier « le règlement, c’est le règlement » s’éloigner. Aussitôt la silhouette de notre héros disparue, la horde de Barbares se rue sur la pauvre femme et son enfant qui bientôt sont transformés en charpie. Dans la ferme voisine, on entend alors une grosse voix hurler : « Comment ça, vous n’avez pas vos parchemins d’identité ? ».
Commentaires
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