Le Chevalier Malantouret
Il était une fois, un chevalier valeureux et très courageux. Son nom ? Le Chevalier Malantouret. Un soir, alors qu’il dort profondément, on frappe à sa porte :
« Chevalier Malantouret;! Chevalier Malantouret;! Réveillez-vous ! L’ignoble Chevalier noir se tient devant la porte du château ! Il vous a injurié copieusement ! Si j’étais vous…». A ces mots, le Chevalier Malantouret se lève et s’en va ouvrir prestement la porte :
« Comment oses-tu… Tiens, je ne te connais point… qui es-tu donc ? »
« Je suis le nouveau Chef des gardes, preux chevalier ! »
« Bien, bien…: Alors, le Chevalier noir ose me déranger un dimanche, alors que le soleil n’est pas encore à son zénith ? J’en ai déjà occis pour moins que ça… Allons, le destin est scellé, les dés jetés ! ».
« Ah bon ? Où ça ? »
« Comment ça, où ça ? »
« Ben oui, les dés sont jetés, mais où ? Moi, je n’ai rien vu, rien remarqué… »
« Oh ! Que tu es drôle ! Alors, comme ça, tu veux jouer au plus malin avec moi ? Tiens, j’ai une idée : tu iras chercher les dés en prison. En cinq années passées dans ton minuscule cachot, tu auras bien l’occasion de tomber dessus en te promenant ! En attendant, dis à mes serviteurs de me rejoindre sur le champ ! »
« Le champ… celui situé derrière le château ? »
« Mais c’est un festival ! Pour te féliciter de ce bel esprit qui honore ta famille, je vais t’offrir 2 années supplémentaires, ce qui te fait à présent 7 ans !»
« Chevalier Malantouret, sans vouloir vous contrarier j’ai dépassé les 7 ans depuis longtemps ! Même si je fais encore très jeune, j’en conviens, je suis tout de même dans ma trentième année ! Alors, je crois qu’il y a comme une erreur, non ? ».
« C’est exact, je confirme ; il y a bien une erreur, et cette erreur… c’est toi, bougre d’âne ! Allons, il suffit, maintenant ! Je corrige et j’arrondis à 10 ans, période pendant laquelle tu auras tout le loisir de réfléchir à tout ça ».
« Sauf votre respect, Chevalier, je n’arriverai jamais à réfléchir pendant 10 ans ».
« Et 120 mois, ça te va ? ».
« Voilà qui me convient mieux ! Merci Chevalier Malantouret ! C’est ma femme qui va être contente ! ».
« Je la comprends, mais… attends… chut ! Fais silence… Dis-moi, Chef des gardes, n’entends-tu rien ? Quels sont ces cris horribles ? »
« Mon Dieu, j’ai oublié le Chevalier noir dans la cour ! Ah, il ne doit pas être content du tout ! »
« Comment ça, le Chevalier noir est dans la cour du château ? »
« Oh, vous savez, quand il est arrivé, il n’était pas du tout, mais pas du tout à l’intérieur du château ! Il se trouvait tout entier à l’extérieur, devant le pont-levis ! Je le sais, j’y étais ! C’est après, quand il a commencé à pleuvoir des cordes… Allez, vous m’êtes sympathique, je vous explique. Sachant la tendance des armures d’aujourd’hui à rouiller rapidement, j’ai fait rentré le Chevalier noir pour qu’il soit à l’abri… Heureusement que j’ai insisté, sinon, il restait dehors ! Eh bien, vous n’allez pas me croire ! Quand il est passé devant moi, je l’ai bien remarqué : son armure commençait déjà à être piquée par endroit ! Voyez que j’ai bien fait de lui offrir l’hospitalité… »
« Chef des gardes, sais-tu vraiment qui est le Chevalier noir ? »
« Ah, Chevalier Malantouret, vous n’êtes pas bien réveillé ! Vous ne suivez pas l’histoire, si je puis me permettre ! Allons, bien sûr que je connais le Chevalier noir, puisque c’est grâce à moi qu’il est entré dans le château ! Pour tout vous dire, en passant, j’ai même pris l’initiative de glisser une petite goutte d’huile sur les articulations métalliques de ses cubitières, gantelets, spalières et cuissards, qui commençaient à grincer…J’espère que j’ai bien fait ? En tout cas, je peux vous dire que le Chevalier noir n’a pas été souvent reçu comme ça ! Il m’a même dit avec sa grosse voix :
« Je n’ai jamais vu ça !».
Le Chevalier Malantouret demeure pantois :
« Moi non plus, je n’ai jamais vu ça ! Tu es un Maître dans ta spécialité ! N’arrêtes-tu donc jamais ? Et ces hurlements, Je suppose que ce sont mes gens qui se font massacrer par le Chevalier noir ? »
« Nenni, Chevalier Malantouret, pas uniquement par le Chevalier noir ! A sa demande, j’ai fait rentrer également dans le château, ses 200 petits frères armés jusqu’aux dents. Entre nous, je n’ai fait aucune réflexion, mais je suis persuadé qu’ils n’étaient pas tous frères du Chevalier noir, la preuve ; j’ai compté au moins deux Sarrasins. Peut-être plus, mais je ne sais compter que jusqu’à « deux ».
« Fais silence…. Ecoutes… des hommes montent l’escalier qui mène ici, en s’exprimant dans une langue qui m’est inconnue… «
« Ils parlent le sarrazin, évidemment, puisque ce sont des Sarrazins ! Décidément, Chevalier Malantouret, vous éprouvez les pires difficultés à suivre une conversation normale ! Je répète, ce sont des Sa-rra-sins! »
« Je les entends monter, ils approches ! Chef des gardes, avant que nous ne trépassions, pour devenir l’être d’exception que j’ai sous les yeux, avoues-le... tu as un secret ? »
« Pas du tout, Chevalier, ou alors un tout petit minuscule… »
« Je t’écoute… »
« Eh bien, je ne suis pas vraiment Chef des gardes, même… pas du tout ! Elle est bonne celle-là, hein ? Moi, je suis boucher. J’ai débuté dans la menuiserie, mais dès mon premier jour de travail, par inadvertance, j’ai scié ma main droite… Ensuite, je suis devenu archer. Malheureusement, ça n’a pas duré longtemps. Puis, j’ai été attiré un moment par la charcuterie, mais je ne supportais pas les odeurs, particulière ment celle des tripes. Il faut dire que on a de plus en plus de mal à en trouver de la bonne, de l’artisanale. Non, maintenant, c’est du vite fait… Moi, je vous le dis, ce n’est pas bon pour le petit commerce, vous pouvez me croire ! Sans parler de toutes les charges, je ne sais pas si vous me comprenez… En tout cas, c’était mieux avant ! Moi, j’ai mon étale au pied du donjon. Si vous passez par là, à l’occasion, venez me rendre visite ! Je vous présenterai ma femme ! »
« Mais, pourquoi moi ? Pourquoi ?»
« Mon frère est le vrai Chef des gardes. Il est à la chasse ce matin. Il m’a demandé de le remplacer, ni vu, ni connu ! »
« Pourquoi t’a-t-il choisi, toi ! »
« Parce que, ce n’est pas pour me vanter, mais de toute ma famille, c’est moi le plus intellig… arghhhhhhhhhhhh »