322° Nord
Elle marche trop vite, ses immenses yeux noirs errent
Elle longe l’interminable mur de briques rouges
Sous un ciel-enclume, noir charbon comme l’enfer
Lui là-bas s’en fout, le coq du clocher qui bouge !
Dans la rue, elle est seule, mais les rideaux frissonnent
Tapis derrière les fenêtres, ils épient, ils l’attendent
des dizaines de regards aveugles la scrutent, l’espionnent
discrètement dans l’obscurité, tous se demandent…
pas de famille, pas d’amis, pas le moindre indice !
pas de travail ? On ne sait vraiment rien de rien,
ce n’est vraiment pas normal, où cache-t-elle son vice ?
c’est pourtant simple, savoir seulement, ils aimeraient bien
elle ne lève toujours pas la tête, elle accélère
elle sait et sent tous ces spectateurs qui se pressent
à pas de chat, ils s’agglutinent dans d’étroites aires
Terrés dans leur abri, ils ne disent mot, comme à la messe
là ! elle a faillit tomber ! ah, quel dommage !
vite, quelqu’un serait sorti lui porter secours
la redressant, comme pour lui rendre hommage
et pour le privilège d’un fol espoir d’amour
Elle arrive au numéro trois cent vingt-deux
Elle ouvre sa porte puis la referme derrière elle.
Voilà tout pour aujourd’hui, c’est finit pour eux
L’un retourne dormir, l’autre reprend la sentinelle
Un chat noir traverse la rue, ignore les feuilles mortes
Mortes en automne, de nuit, au pays de l’ennui
Elles forment un long tapis, toutes en cohorte.
Le coq de l’église a perdu le Nord : parti !